Exercice 2

Tout déléguer à ChatGPT ou presque, quels risques pour nos compétences?

S'en remettre à l'intelligence artificielle pour rédiger, calculer ou encore planifier est tentant. Une possibilité qui rappelle les enjeux actuels en matière d'éducation et de formation, avec l'esprit critique comme priorité.

Julie Eigenmann, Le Temps, publié le 26 janvier 2024

Un plan de travail à ébaucher? Des calculs complexes à effectuer? Un texte sur une thématique précise à rédiger? ChatGPT, et d'autres IA génératives peuvent désormais s'en charger. Avec des résultats plus ou moins heureux selon les cas, certes, mais il peut sembler bien pratique de les lui déléguer.

Pour les plus jeunes qui grandiront avec ce type de possibilités, l'IA ne doit évidemment en rien se substituer aux apprentissages élémentaires, estime Edouard Gentaz, professeur de psychologie du développement à l'Université de Genève. «Les enfants doivent absolument créer tout au long de leur scolarité des outils cognitifs pour apprendre à rédiger, développer des raisonnements et avoir une pensée critique. C'est important aussi pour qu'ils sachent par la suite garder de la distance face aux IA, les contrôler et corriger ce qu'elles proposent.»

Des problèmes préexistants

Plus tard dans le parcours de formation, accroître sa capacité d'analyse demeure également essentiel, souligne Raphaël Zaffran, directeur adjoint du Centre de formation continue et à distance de l'Université de Genève. «Il serait vain de bannir ces outils des hautes écoles, mais il faut éviter toute dépendance excessive envers eux et avoir conscience du fait qu'ils ne permettent pas d'atteindre la vérité. L'été dernier, une prise de position de l'Université de Genève a d'ailleurs rappelé que son but reste de développer des compétences rédactionnelles et un esprit critique, entre autres.»

Mais l'enjeu éducationnel actuel est antérieur à l'arrivée de ces outils. Pour Philippe Ryvlin, chef du département des neurosciences cliniques du CHUV, ils représentent plutôt une piqûre de rappel quant à l'urgence pour les enfants de «continuer à lire et à savoir élaborer un texte intelligible, ce qui est déjà de moins en moins le cas, ChatGPT ou non. Et le contenu pédagogique doit s'adapter pour que les examens, par exemple, attestent qu'un jeune sait encore produire un contenu dans un temps défini, sans aide.»

Pour le spécialiste, plutôt optimiste, si ces outils sont bien intégrés à la formation, ils peuvent toutefois apporter beaucoup aux élèves. «Les jeunes sont déjà sur internet en permanence. ChatGPT a un mode conversationnel plus structuré que des recherches Google. Nous sommes face à un outil qui a plutôt tendance à nous obliger à réfléchir, avec des réponses élaborées sur le plan langagier pour les élèves qui vont les lire. Il n'y a pas de raccourci d'écriture comme on en observe sur les réseaux sociaux. Et face à un terme technique qu'il ne comprend pas, l'élève peut immédiatement obtenir une explication avec le niveau de vulgarisation souhaité.»

Nouvelle menace pour la concentration

Raphaël Zaffran, lui, est plutôt inquiet sur un point: l'effet de ces outils sur notre capacité à savoir se concentrer seul et en profondeur. «Notre attention était déjà fragmentée à cause des réseaux sociaux. Il me semble que ChatGPT vient ajouter une nouvelle dimension avec la possibilité de déléguer une partie de la réflexion à la machine.»

Philippe Ryvlin n'exclut pas cet impact sur la concentration mais estime que le problème majeur est ailleurs. «La surutilisation du smartphone et des réseaux sociaux a des conséquences négatives sur les performances académiques et intellectuelles, avec un fort potentiel addictif qui entraîne un mode de fonctionnement cérébral délétère. Je ne pense pas que ChatGPT a de tels effets, son utilisation est moins compulsive et lire le texte reçu demande un certain effort intellectuel. Mais contrairement aux réseaux sociaux, aucune étude n'a pour l'instant été réalisée à ce sujet.»

Une mémoire qui travaille moins

Reste la question de l'impact que pourrait avoir sur notre mémoire le fait de déléguer certaines tâches à ChatGPT. Giovanni Frisoni, directeur du Centre de la mémoire aux Hôpitaux universitaires de Genève, souligne: «Les défis de l'IA vont bien au-delà de l'utilisation de la mémoire et entrent dans le domaine du raisonnement, plus typique de l'être humain, qui lui-même repose sur la mémoire.»

Avec les avancées technologiques, on est globalement amenés à moins utiliser sa mémoire, note pour sa part Raphaël Zaffran. «Par exemple depuis qu'on a accès à Wikipédia ou parce que l'utilisation de Maps permet de ne plus mémoriser le nom des rues ou d'apprendre à s'orienter. Ce sera encore renforcé avec ChatGPT. On peut sortir de notre cerveau certaines choses qui sont accessibles directement. Est-ce une mauvaise nouvelle? Il y a plusieurs écoles. On peut aussi le voir comme une opportunité de se concentrer sur d'autres dimensions avec davantage de valeur ajoutée.»

Si nous déléguons, notre cerveau peut en effet se déshabituer à réaliser certains efforts. «Mais cela représente-t-il un véritable risque? Tout dépend de l'activité concernée; certaines compétences dont on a pu avoir besoin par le passé ne sont plus nécessairement utiles aujourd'hui, comme retenir un itinéraire complexe à l'heure du GPS», note Philippe Ryvlin.

Raphaël Zaffran se montre plus préoccupé: «Si nous dépendons trop de ces machines et que nous souffrons un jour d'approvisionnement en énergie — une question de plus en plus présente —, nous allons nous retrouver face à un réel défi en matière de compétences.»

(850 mots)

Questions

1. Reformulez ces fragments de phrases de vos propres mots.

a) «Les enfants doivent absolument créer tout au long de leur scolarité des outils cognitifs pour apprendre à rédiger...»

b) «...les nouvelles technologies de l'information nous replongent dans l'ère du travail à la chaîne.»

Solution :

a) Les enfants doivent impérativement développer des capacités cognitives essentielles pendant leur éducation, telles que la rédaction, le raisonnement logique et la pensée critique.

b) Au lieu de nous libérer, les technologies de l'information modernes nous ramènent à une forme de travail répétitif et automatisé.

2. Expliquez l'idée suivante en utilisant vos propres mots.

«Il serait vain de bannir ces outils des hautes écoles, mais il faut éviter toute dépendance excessive envers eux...»

Solution :

Il n'est pas judicieux d'exclure complètement les outils technologiques dans l'enseignement supérieur, mais il est crucial de ne pas trop s'y fier et de se rappeler qu'ils ne détiennent pas la vérité absolue.

3. Énumérez trois conséquences négatives de la surutilisation des IA comme ChatGPT mentionnées dans le texte.

Solution :

  • Réduction de la capacité de concentration.
  • Augmentation de la dépendance à la technologie.
  • Diminution des capacités de réflexion et de critique indépendantes.

4. Répondez en vos propres mots : pourquoi est-il important de développer un esprit critique face à l'utilisation de l'IA?

Solution :

Il est important de développer un esprit critique face à l'utilisation de l'IA pour pouvoir évaluer, contrôler et corriger les propositions de l'IA, et pour maintenir une distance critique vis-à-vis de ces outils.

5. Vrai (V) ou faux (F) ? Cochez la bonne réponse.

Les nouvelles technologies...

... améliorent la capacité de concentration.
... encouragent la dépendance excessive envers elles.
... réduisent l'utilisation de la mémoire.
... offrent une solution à tous les problèmes d'apprentissage.
... aident à développer un esprit critique.
... sont indispensables dans les hautes écoles.

Solution :

  • F - ... améliorent la capacité de concentration.
  • F - ... encouragent la dépendance excessive envers elles.
  • V - ... réduisent l'utilisation de la mémoire.
  • F - ... offrent une solution à tous les problèmes d'apprentissage.
  • F - ... aident à développer un esprit critique.
  • F - ... sont indispensables dans les hautes écoles.

6. Vrai (V) ou faux (F) ? Cochez la bonne réponse et justifiez-la en citant le texte.

Les IA génératives peuvent effectuer des tâches rédactionnelles.

Citation :

Les enfants n'ont pas besoin de compétences cognitives pour utiliser l'IA.

Citation :

ChatGPT améliore la qualité de la réflexion chez les jeunes.

Citation :

La surutilisation des smartphones et réseaux sociaux n'affecte pas les performances académiques.

Citation :

Solution :

  • V - Les IA génératives peuvent effectuer des tâches rédactionnelles.
    Citation : "ChatGPT, et d'autres IA génératives peuvent désormais s'en charger."
  • F - Les enfants n'ont pas besoin de compétences cognitives pour utiliser l'IA.
    Citation : "Les enfants doivent absolument créer tout au long de leur scolarité des outils cognitifs pour apprendre à rédiger, développer des raisonnements et avoir une pensée critique."
  • V - ChatGPT améliore la qualité de la réflexion chez les jeunes.
    Citation : "Nous sommes face à un outil qui a plutôt tendance à nous obliger à réfléchir, avec des réponses élaborées sur le plan langagier pour les élèves qui vont les lire."
  • F - La surutilisation des smartphones et réseaux sociaux n'affecte pas les performances académiques.
    Citation : "La surutilisation du smartphone et des réseaux sociaux a des conséquences négatives sur les performances académiques et intellectuelles."